Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PAR LE VENT PLEURE - RON RASH - SEUIL

Publié le par Bob

HATE AND LOVE

Introduction* : « Trop ravissante, surprenante, envoûtante, rayonnante. Illusion, illusion tout n’est qu’illusion ! »

 

Qu’est devenue la belle naïade des Appalaches ? Longtemps les deux frères vont remâcher leurs fièvres, ces émois qui ont transformé leur existence. Quand des ossements refont surface sur les berges du lac, un voile noir et spectral enveloppe le souvenir de ce torride été 1969.

 

Ce souffle de liberté, ils le doivent à la belle Ligeia - que ses parents ont mis au vert -, apparue comme dans un rêve alors que Eugène et son frère Bill rejoignent leur spot de pêche. Adieu la puberté, bye bye les entraves de leur despotique grand-père. Un vent lascif et émancipateur souffle sur le lac. L’amour libre associé au mouvement Peace and love éclabousse les deux frères fortement amarrés à ce bled paumé alors qu’ils ne résistent pas à l’attraction des substances illicites. C’est un ouragan de délices qui déferle. Et la belle disparaît. Naissent ensuite des tensions qui vont s’avérer irréversibles. Leurs parcours ont suivi des voies contraires. Moins de cinquante ans plus tard Bill, aiguillé (aiguillonné) par son grand-père, a embrassé avec succès la carrière médicale, Eugène paumé végète. Un face à face s’engage.

 

Si la nature est moins prégnante dans ce roman elle est le décor du paradis et de l’enfer. Si la rivière est un linceul liquide dans Le chant de la Tamassee  ici c’est le lac qui fait office de suaire. Cependant cette eau est purificatrice - en lavant les abus, le mirage du paradis artificiel, celui de la luxure. Le sacré s’invite. Quand le passé resurgit en prenant la forme d’un squelette, l’heure du châtiment a sonné. Bill et Eugène sont convoqués au purgatoire. Ron Rash nous offre une tragédie intimiste. Il fait l’impasse sur la mise en valeur et la protection des paysages majestueux et l’intérêt qu’il porte habituellement sur la relation entre les locataires de ces lieux. Peut-être aurait-il été pertinent de développer, d’affiner le thème de la modernité qui s’infiltre insidieusement dans le monde rural - cette période de la fin des années 60 est pourtant un fertile terreau. Peut-être sommes-nous trop en attente de retrouver - finalement sans surprise - le Rash que l’on sait apprécier. Mais il nous titille avec application sur un autre territoire, abandonnant le terroir en toile de fond. Car la dramaturgie est méticuleusement élaborée avec l’obscure silhouette du grand-père dont l’ombre se projette sur le cercle familial et local en créant une ambiance tendue. Quand l’affectation puis la rupture se substituent à l’enchantement, le sortilège est sur la place. Qu’est devenue la belle naïade des Appalaches ? Qu’est devenu le temps des illusions perdues ?         

 

Toujours rustique Ron Rash affiche un autre visage, un autre profil qui n’a rien à envier aux écrits de ses pairs. Si Par le vent pleuré semble être le souffle un tantinet inédit d’un auteur qui inspire toujours le respect - si tant est que celui-ci soit utile ou nécessaire au lecteur -, il n’en est pas moins un roman noir abouti, qui a le mérite de suggérer plutôt que d’insuffler de lourds relents de malignité. Sans jamais aguicher il émeut et peut bouleverser les cœurs émoussés. Un lambeau de génération Hate and love à découvrir à travers le portrait douloureux de deux jeunes gens, deux jeunes pêcheurs qui vont apprendre à employer le mot péché.   

 

Mention : Qu’est devenu le temps des illusions perdues ?        

*Penny est mon assistante et amie. Elle intervient en introduction de mes chroniques.

 

« Par le vent pleuré », Ron Rash, éditions Seuil, traduit de l’anglais(Etats-Unis) par Isabelle Reinharez, parution : 17/08/2017, 208 pages.

 

Commenter cet article