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L’ÉTÉ CIRCULAIRE - MARION BRUNET - ALBIN MICHEL

Publié le par Bob

LE LUTIN ET LE MACON

Introduction* : « On s’est dit avec Bob que l’on ne ferait aucune allusion à la scie…Par contre on s’est dit que cet été nous a tourné la tête à 360° et maintenant on a une cervicalgie aiguë. »  

 

Ce n’est pas vraiment le bordel sans nom dans cette famille. Le papa maçonne, la maman s’abandonne, les filles Jo et Céline font des pirouettes - Céline est bien plus douée. A 16ans Céline fait déjà tourner les têtes. Jo, qui n’a qu’un an de plus, se maîtrise. Manuel, le père, bosse avec Patrick, un très bon pote, et traficote avec Saïd. Ca le gène un peu aux entournures parce que les arabes… mais ça permet de mettre un peu de jaja dans les verres. On n’est pas dans le quart-monde, des gens simples qui bossent, vivotent et profitent de quelques instants de liberté pour lâcher le lest. Mais la connerie qu’il ne fallait pas faire est faite. Céline a fait comme maman, elle a un lutin dans le ventre. Des existences banales, des circonstances banales. Une banalité décrite sans cliché.

 

Mais quand tu as un père un peu trop nerveux, caractériel - surtout avec un bon coup dans l’aile -, quand ta mère est ici et ailleurs, quand ton ami se prénomme Saïd, quand la folie de vivre est la plus forte parfois il y a des soucis à se faire. Le couperet peut tomber. Marion Brunet actionne le levier avec une aisance stupéfiante. Tout ce beau monde va connaître des turpitudes - qui des souffrances, qui des remords, qui des bassesses. On assiste fébrilement à l’éclipse de destinées chancelantes. Car tous ces êtres avancent comme des funambules sur un fil mal amarré.

 

Marion Brunet brasse l’insignifiant et en soustrait une matière si malléable qu’elle en devient altérable. Ainsi, elle soupèse la grâce et le désespoir, le caprice et la bêtise. Avec le tranchant de ses mots sans équivoque la fatalité agit comme une immense machine à salir. Nul n’en ressortira indemne.

 

L’Eté circulaire transpire la sueur âpre des lendemains de carnage. On a beau s’y préparer en ajustant notre divine intuition rien ne peut arrêter un camion toupie chargé de 19 tonnes de ciment lancé à 80 km/h, Manuel vous le dira, c’est un spécialiste. Le lecteur se retrouve aplati sur le bitume brillant de cet été différent. Sa clarté fait apparaître de dangereuses zones d’ombre où se cachent des actes peu reluisants. C’est sûrement l’un des derniers romans lus qui nous aura laissé une empreinte indélébile.

 

Mention : Avec « Les Mauvaises » de Séverine Chevalier.

L’Eté circulaire, Marion Brunet, éditions Albin Michel, parution : janvier 2018, 270 pages.

 

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