LA BEAUTE CACHEE - CABOSSE - BENOIT PHILIPPON
Introduction* : « L'amour serait-il vraiment aveugle ?
Roy n'a pas trop le choix donc il va sur un site de rencontre. Elle a un joli prénom cette Guillemette qui lui répond. Quand elle lui propose de la rejoindre chez elle il n'y croit pas. Quand son ex-mari débarque avec cet air qui déplaît beaucoup à Roy ça part en sucette. Ils fuient. Sur la route. Sur la route ils vont croiser de belles personnes et de pas trop gentilles personnes. Le boxeur et son élue ont tant de choses à se révéler.
Voilà un premier roman qui ne sort pas des sentiers battus - pour un road movie c'est le moins que l'on puisse dire – avec l'union de deux êtres chahutés par la vie pour lesquels nous tombons en empathie – tout comme l'auteur – malgré les actes répréhensibles de l'un d'eux. C'est ainsi que l'on va moins s'intéresser à l'intrigue qu'aux personnages dans ce récit qui est une énième version de La belle et la bête – mouture noire et revisitée – qui nous dépeint dans sa virée chaotique de superbes portraits.
LA BEAUTE CACHEE DES LAIDS
Dès sa naissance Raymond n'a pas été gâté. Tout d'abord, avec ce prénom à la noix. Alors, il se fait appeler Roy, c'est plus fun. De plus, il a une tronche qui fait peur, « une tomate écrasée ». Par contre, son corps est en béton armé et le jour où Bobby a ouvert sa salle de boxe la mayonnaise a pris tout de suite. Il a commencé à gagner sa vie avec ses poings - avec des gants, nus, sur des rings, dans la rue, pour des impayés. « Des métiers à la con, y'en a une pelletée. Certains te ramollissent le cerveau au point que tu te dis, finalement, avant de le commencer, t'étais pas si con. » Car Roy n'est pas si con qu'il en à l'air. Mais ce n'est pas ainsi qu'il trouvera la paix. Et le miracle s'est dessiné dans les traits de Guillemette. Femme menue, discrète et battue. Minuscule et abattue, elle subit. Si leur rencontre est un miracle, ils vont devoir en payer le prix. « Merde. La Bête... Il faut pas... Le con...Il a réveillé la Bête... » Ce sera le prix de leur liberté qu'ils vont gagner quand Roy va neutraliser l'ex de sa mie. Et ils roulent...
LIBRES
Dans ce conte noir le couple fait d'heureuses rencontres que l'auteur, enclin à mettre en avant le caractère humain de son récit par le biais de personnages secondaires attachants, utilise pour nous extraire du cercle intime. C'est ainsi un plaisir partagé de découvrir Bobby puis cette mamie Berthe qui aime la castagne et la bibliothécaire qui donne à lire à un Roy intimidé et cette petite Lili. Roy et Guillemette sont aspirés par cet horizon auparavant bouché et tentent d'exorciser les affres du passé. L'amour et la tendresse seront-ils suffisants pour faire d'eux des êtres entiers ?
Mais que peut-on retirer de cette cavale étourdissante ? Certainement que la laideur physique est à différencier de la laideur morale et que, se faisant, un cœur prêt à aimer palpite sous l'enveloppe disgracieuse. Nous pouvons considérer que l'auteur appuie un peu trop fort sur la touche « bons sentiments ». Ou bien allons-nous flancher pour la romance ? Au bout du compte, notre choix se portera sur la première solution sans que cela ne nous empêche de prendre un réel plaisir de lecture. Puisqu'il s'agit d'un conte la morale y est bien représentée mais l'on en reste là et l'on retiendra surtout l'humanité qui pointe sous la plume alerte, tranchante et facétieuse de Benoît Philippon. Cabossé se lit comme on se laisse bringuebaler par la houle avec ce trouble indistinct mêlant le tendre bercement à l'inconfort du roulis, la quiétude à la nausée. A lire pour ses personnages et le ton de l'auteur.
Mention : Se lit d'une traite.
*Penny est mon assistante et amie. Elle intervient en introduction de mes chroniques.
« Cabossé » Editions Gallimard – Série Noire, parution 08/09/2016, 272 pages.