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LA JEUNE DAME A ENGENDRE DES MONSTRES

Publié le par Bob

LA JEUNE DAME A ENGENDRE DES MONSTRES

Introduction : « Cet homme sans visage... Mais bon dieu de bon sang de sort Corrosion atteint des sommets. »

2010. Stratton. De passage dans le patelin, Joseph Downs se retrouve dans un hôtel pouilleux avec Lillith, une épave. Il vient de casser la gueule à son mari. Quand à la sienne de gueule de Marines, elle a cramé en intervention. Lilith a une idée et c'est à partir de ce moment là que ça va déconner. 2003. Silverville. Le jeune Benton Faulk n'aime pas l'école. Alors il n'y va pas ou très peu. Ce qu'il préfère c'est lire les aventures du Soldat, le héros de la BD « Au bout du combat », un vrai dur qui explose facile des barbus. Et puis il y a Constance et puis il y a sa cabane dans la montagne. Pendant ce temps son père bosse dur dans la cave pour guérir maman. Il fait des tests sur des rats et il dit qu'il va le trouver le remède. Les deux, Joseph et Benton, vont faire route ensemble et l'on sait déjà qu'au bout du chemin il y aura l'enfer.

« Tu dois simplement faire une chose pour moi. Juste une chose. Qu'est-ce que c'est ? Je ferais n'importe quoi pour toi, Joseph, tu le sais bien. Continue juste à me mentir. C'est tout ce dont j'ai besoin. C'est tout ce dont j'ai jamais eu besoin. Je ramassai le flingue et le braquai sur sa tête. D'instinct, elle se plaqua les mains sur le visage. Mais je ne tirai pas. Je ne voulais pas lui faire du mal. C'était un ange brisé et je l'aimais. » Il y a des jours où Cupidon s'en fout et ces jours-là dans ces coins de merde de cette Amérique qui s'effrite inexorablement « Satan is real », ce vieux morceau de country des Louvin Brothers, ne suffit pas à apaiser les cœurs transpercés. Seules les pulsions résistent. Alors ces deux êtres dégénérés tiraillés par un trop plein de foi monstrueuse et maléfique vont faire ce qu'il doivent faire. Et lorsqu'ils le font, ce sont les ténèbres qui ouvrent grand leurs bras, l'étreinte est sans fin. Alors on tente l'impossible, on se dit qu'on va s'en sortir, que tout cela n'est finalement qu'un écran noir, que derrière tout cela se planque un malin sorcier, un auteur qui se joue de nous, mais sa patte velue vient finir le boulot avec ses phrases qui écorchent, ses répétitions lancinantes, son style qui ne fait pas de cadeaux. Alors on prie, comme Joseph et Benton, comme cette population décharnée qui vit dans un monde creux, pour que ça continue, pour que justice ne soit pas faite, on sombre dans la déraison. [Ça c'est la version trash avant que je plonge dans un état de stupeur catatonique mais je me suis refait la cerise et j'ai repris ma chronique] Alors ces deux êtres dégénérés tiraillés par un trop plein de foi monstrueuse et maléfique vont faire ce qu'il doivent faire. L'un brandissant la Bible du roi Jacques et l'autre son immaturité, ils sont tous les deux frappés par l'amour de la patrie – Joseph répète incessamment « 1er Bataillon, 7e Régiment, 1re Division. Stationné à Mossoul » - qui se justifie par ce désir de combattre un ennemi lequel n'est autre que leur névrose. C'est par des actes barbares et un violent sadisme qu'ils tentent de s'exprimer. Vengeance aveugle d'êtres décérébrés. La nation à la bannière étoilée a engendré des monstres. Ils sont en errance. « J'avais des pensées horribles. Vous voyez le genre. Mort et destruction. Je passais devant des fûts métalliques rouillés, des piles de pneus usés et des rangées de luzerne agonisante, mais aucun humain. Le ciel était couleur d'os. » C'est un prophète alcoolisé qui refermera la dernière page.

Nul ne peut lutter. « Corrosion » est un roman qui nous entraîne dans un univers ténébreux, un trou noir qui absorbe tout ce qui gravite autour de lui. On le subit avec cette sensation unique de sombrer dans un abîme sans fond. Un récit percutant, envoûtant, déroutant.

Mention : Tellement tant...

« Corrosion », Editions Gallmeister, Collection Neonoir, parution le 01/01/2016, 240 pages.

Jon Bassof est né en 1974 à New York. En parallèle à son métier d’écrivain, il a crée et il dirige la maison d’édition américaine New Pulp Press. Il vit dans le Colorado avec sa femme et ses deux enfants. Corrosion est son premier roman. "L'Instant Polar".

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J
Salut Bob,<br /> J'avais lu autre chronique de Corrosion. La tienne vient étayer avec savoir ce que j'avais entraperçu dans la première: on ne s'approche pas du néant, on est dedans, je me trompe ? Hormis la violence qui semble surgir à chaque page et les envahir toutes, qu'as-tu éprouvé à la fin de cette lecture ? Oui, je sais, tu vas te dire que si je commence à te poser des questions, tu n'es pas sorti de l'auberge. Amitiés.
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B
Salut Jean,<br /> Ce n'est pas la violence qui fascine car une question s'impose : comment en arrive-t-on à provoquer cette violence ? J'ai peut-être un mot en guise de réponse : désillusion. Amitiés.