Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

EZTIA MA SOEUR

Publié le par Bob

EZTIA MA SOEUR

Introduction : « Il n'est pas complet ce titre de livre. Il manque un truc à la fin ! Ralala, mais ils ont vraiment la tête ailleurs ces éditeurs ! » Ça c'est du Penny 100% nature. « Oui, c'est L'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours, et aussi pour insister L'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours. » Penny est une forte tête. « Oui mais il a vu quel ours cet homme ? » J'ai senti comme un agacement me parcourir l'échine – ce qui n'est pas bon signe - et je n’ai pu m'empêcher de lui répondre « Je vais te le présenter. C'est un ours mal léché qui se nomme Adis Garcia. Et je souhaite vivement qu'il te colle aux basques ! » J’étais peu fier de ce jeu de mots ridicule mais mon amie me surprit en rétorquant « Bon d’accord si ça se passe sur mes terres ancestrales je te le pique… »

Voilà près d'un an que Iban, 27 balais, a atterri au Pays basque. Journaliste dans le quotidien Lurrama, il va prendre le taureau par les cornes en apprenant la disparition de Jokin Sasko, un militant. Malgré son nom à la consonance locale Urtiz est un erdaldun (*qui ne parle pas le basque). Il va s'engager dans un combat pour connaître la vérité qui va l'entraîner au cœur d'une sale guerre – mais existe-t-il des guerres propres ? - où les escobars (hypocrites), les bourreurs de mou (menteurs), les charcutiers (tortionnaires), les stratèges font mumuse. Nous sommes en 2009.

Marin Ledun semble se lancer un défi pour chacun de ces ouvrages. Dans ce roman, il a plutôt choisi un thème, comment dire, très sensible voire piégeux et, autant le dire tout de suite, le culot a payé. Ainsi nous sommes dans le cadre de la lutte armée en faveur de la cause basque qui a fait la une des quotidiens français pendant plusieurs décennies. Les ETA (acronyme de "Euskadi Ta Askatasuna" qui signifie « pays basque et liberté »), euskera, basquitude, Euzkadi, Batasuna nous sont quasiment familiers. Cependant le garçon s'est inspiré d'un fait réel, la disparition du militant Jon Anza qui a soulevé un vent de soupçon et de colère parmi les membres de l’organisation séparatiste. Si l’Etat espagnol a tout mis en œuvre pour contrer les exactions, il s’avère que certains flics ont lancé, avec des collègues français, des actions avec la création des GAL (Groupes antiterroristes de libération) composé de types pas toujours très clean pour chasser les terroristes planqués en France et bénéficiant de fonds secrets. Des barbouzes qui barbousillent ce n’est pas toujours joli joli à voir et surtout c’est pas bien car c’est hors la loi.

Pour éviter le piège du parti pris, l’auteur étaye son récit en mettant en scène ce jeune reporter, peut-être un peu tendre, qui est happé par cette affaire comme on entre dans les ordres. Ce sera sa mission puisqu’il plonge corps et âme dans une enquête qui va devenir son chemin de croix pavé de pièges. Il va bénéficier de l’aide inespérée de Eztia, la sœur du disparu, dont le charme ne lui est pas indifférent. Celle-ci est en désaccord avec son frère, militant ETA, qui rejette le nouveau venu. Iban en tentant de remonter à la source va se retrouver face à deux zigotos qui ne font pas dans la finesse et ne sont pas trop du style à enfiler des perles. En parallèle, son collègue du journal, plus aguerri sur la question, suit la même piste.

« L'homme qui a vu l'homme » est de ces bouquins qui laissent des traces. Même si tu as quelques notions sur le sujet, même si tu devines assez tôt le fin mot de l’histoire, tu es pris dans ce magma de violence, de compromissions, d’hostilités et de manigances qui dévale et détruit. Qui révèle surtout des querelles internes au sein d’un pays, d’une région, d’une organisation, d’une famille. Avec une aisance narrative manifeste étoffée par des personnages placés dans des situations épineuses, l’auteur réalise un roman très noir et, sans être volontairement didactique, il installe une relation entre le lecteur et cette conscience collective. L’œuvre de Marin Ledun est salutaire. Il le confirme à nouveau avec ce roman bluffant. A lire en suivant « Au fer rouge » sorti en 2015.

*Si tu souhaites approfondir le sujet, je te conseille l'article suivant : http://mots.revues.org/4583#ftn1 (Lionel Joly, Université Paul-Valéry, Montpellier 3)

Mention : L'un des titres prévu de cette chronique que je me suis autorisé à balancer dans la corbeille : FRANCE GAL : RÉSISTE.

« L'homme qui a vu l'homme », Éditions Ombres Noires, janvier 2014, 464 pages.

Marin Ledun est né en 1975 à Aubenas, en Ardèche. Traduit dans plusieurs pays, ses romans ont reçu de nombreux prix littéraires comme le trophée 813 du roman noir français et le Grand Prix du roman noir du Festival de Beaune pour « Les Visages écrasés » ainsi que le Prix mystère de la critique pour La Guerre des Vanités, et le Prix Plume libre pour Modus Operandi. « Au fer rouge » vient de sortir en ce début d'année 2015.

Commenter cet article
L
un des meilleurs romans de 2014 ! reste a savoir si le ptit dernier sera aussi bon que celui ci ! si c'est le cas, on va encore prendre un pied d'enfer ! ;)
Répondre
B
Oui, 2014 nous a réservé une belle panoplie de super bouquins. Celui-ci en fait partie. Et y'a un paquet de frenchies ! Avec tous les vieux machins extra que je me suis promis de lire je ne sais pas si j'aurai le temps (et le fric) de découvrir toutes les nouveautés 2015. Va falloir cibler juste mon gars !