PAR LES RAFALES - VALENTINE IMHOF - ROUERGUE (NOIR)
2006. Metz. Elle a un foutu caractère, difficile de l’approcher. Elle traîne parfois dans le bar de Fred où elle retrouve Anton - c’est plutôt Anton qui la retrouve -, où elle met des branlées au billard à tous les mecs qui l’a défient. Mais ce jour-là Alex n’est pas au rendez-vous. Alex est tout à sa tâche avec un inconnu dans la chambre 107 d’un hôtel de Nancy. Elle réapparaît, Anton est soulagé. Et puis Alex ne donne plus de nouvelles. Anton est désemparé, il doit percevoir un truc qui cloche. S’ils font l’amour dans l’appartement d’Anton, celui-ci sait qu’elle reste toujours distante, que c’est une fille secrète. Alex est à Gand, puis sur les Iles Shetland. A Gand, elle se fait tatouer et fait l’amour. A Lerwick, elle s’occupe d’un inconnu. Anton part à sa recherche. Kelly MC Leish, policière débutante, est aussi sur ses traces. Un an plus tôt, à
Dans ce roman haletant on comprend rapidement que le temps y est compté. On suit le personnage principal qui est toujours en mouvement, Alex fuit autant qu’elle poursuit une folle et furieuse quête. Valentine Imhof a choisi de mettre en scène une jeune femme, belle à croquer, à crever, pourvue d’un sacré charisme forgé par ses infortunes et dotée d’un attribut particulier - des tatouages très singuliers. Alex est branchée rock (nous recommandons la playlist de l’auteure) et écrit quelques papiers, elle s’envoie de la genièvre aromatisée comme un routier belge, elle est norvégienne. Alex a tout d’une héroïne mais Alex a des fêlures car Alex est une survivante. Une rescapée peut sombrer dans la phobie et périr, elle peut aussi résister tant bien que mal, avec la hardiesse du désespoir.
Si l’encre pénètre dans la peau d’Alex on n’a aucun mal à entrer dans la peau du personnage tant la tension est grandissante, tant le danger semble imminent, tant Alex nous hypnotise. Comme Anton du bout des doigts on tente d’effleurer l’épiderme pour découvrir le sens des mots - phrases presque indéchiffrables qui sont transcrites en introduction de chaque chapitre. Palper la peau et découvrir les pores dilatés par le stress, l’épuisement ou la fougue. La peau d’Alex nous parle. Elle nous raconte sa tragédie. Alors ses bouffées d’angoisse se transforment en cascade sépia ruisselante, quand le souffle rauque des salopards sur sa nuque s’apparente à une tornade infectée, quand l’ineroxable déroute pourrait conduire dans le ventre de la mer, il est temps de quitter le roman. Et nous, malheureux anges gardiens, ressasserons les miettes de poèmes, les extraits de Kafka, Conrad sur un riff de Stratocaster car cette fille venue du froid aura su nous convaincre qu’un corps meurtri ne meurt jamais lorsqu’il a tant d’histoires à nous conter.
Par les rafales, enivre par son écriture truffée de hargne, de transe et de noire volupté - quand la colère, le désir, la frustration ou l’espoir s’exacerbent - pour la rédemption on verra ça plus tard. Avec ce premier roman noir elle frappe fort - après deux essais sur Henry Miller - l’enseignante Valentine Imhof - auteure venue du froid de Saint-Pierre-et-Miquelon - qui grave à la craie noire* et affûtée l’histoire échevelée d’une jeune femme en quête de liberté. Suivez Alex, elle ne vous décevra pas !
Mention : *Seuls les vrais amateurs du genre sauront déchiffrer les mots écrits à la craie noire sur un tableau noir.
Par les rafales, Valentine Imhof, éditions du Rouergue (Noir), parution : mars 2018, 288 pages.