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KILLARNEY BLUES - COLIN O'SULLIVAN - RIVAGES

Publié le par Bob

 DES BLEUS AUX CORPS, DES BLEUS A L’ÂME

Introduction* : « Ah, cette jument Ninny me fait penser à cette belle chanson de Brassens, Le petit cheval blanc. Qu’elle avait donc du courage. A travers la pluie noire des champs. Tous derrière tous derrière… »

Nous voici dans cette Irlande languissante que l’auteur se charge de nous faire découvrir avec un réel enthousiasme et une langue qui sait se dénouer pour nous conter l’histoire de ce patelin qui n’était pas préparer à connaître un tel trouble. Apparaît Bernard Dumphy qui guide sa valeureuse Ninny dans la typique campagne environnante. Sa passion consiste à balader les touristes dans sa calèche tout comme le faisait son père aujourd’hui décédé. C’est un garçon secret - certains diront simple d’esprit ou balourd - qui a des difficultés à communiquer avec ses concitoyens qui le charrient parfois. Il vit avec sa mère qui le couve - ce qui n’améliore pas son état - et se réfugie dans sa chambre où il s’adonne à son autre passion. Il pose sa guitare sur sa cuisse pour jouer et chanter du blues qu’il compose et se laisse porter par la mélancolie. Bernard a un béguin pour Marian. Bien sûr son amour ressemble plutôt à une intense amitié ou peut-être une relation romantique. Bernard a un ami d’enfance. Jack le coureur de jupons, le supporte tant bien que mal. Marian et ses copines traînent le week-end dans le bar où elles noient leur désœuvrement et leur célibat dans quelques pintes de bière.

O’Sullivan parvient créer une atmosphère où la monotonie s’empêtre dans la grisaille. Mais en esquissant les différentes personnalités il nous laisse deviner qu'il y a encore d'autres questions en jeu. Finalement, c’est un incident qui va déclencher l’accident, l’accroc fatal.

Bien sûr, on s’attache à ce gentil Bernard - qui ne ferait pas de mal à une mouche -, à cet autiste qui peut parfois paraître inquiétant parce qu’il est différent. On devine des intentions équivoques chez Jack le frimeur. On s’apitoie aussi devant le désenchantement de ces nanas. L’auteur installe le blues et fait vibrer les cordes sensibles - celles de Bernard peuvent lui déclencher un profond soulagement -  puis de cette douleur latente il déclenche une réaction, une transformation. Ce choc va engendrer un nouveau destin, la naissance d’un être en attente. Et tout ce petit monde vivotant va se retrouver face à ses imperfections ou ses absences. Avec l’aide du passé la noirceur va s’épaissir jusqu’à jeter une ombre salie sur la ville.

Killarney Blues c’est le spleen qui s’invite dans un cadre théâtral. Il faut adopter la démarche de l’auteur et se laisser guider dans les méandres d’une mélancolie où les cœurs ne palpitent pas, ils sont flétris mais ne sont pas éteints. On attend le coup de théâtre. Il survient. Et la vie ressemble à ce qu’elle est, une impensable succession de déceptions et de joies. Ici, elle révèle toute l’abjection qui se terre, la souffrance qui en résulte et qui souille les êtres.      

Killarney Blues, Colin 0’Sullivan, éditions Rivages, traduit de l’anglais (Irlande), parution : septembre 2017, 272 pages.

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