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LAST AFFAIR - HUGUES PAGAN - ALBIN MICHEL

Publié le par Bob

LES DES SONT PIPES

Introduction* : « Pour sa dernière il nous gâte l’ami Château ! »

 

Est-ce son accablement qui s’épanche ainsi sur les personnages ou bien un sursaut de colère ? Nous misons sur le second choix. Pagan enfonce le clou avec ce récit qui met en scène un commissaire divisionnaire qui applique une formule simple et pratique : aussi pourri que moi tu meurs. Car les dommages collatéraux - comme on dit désormais - sont plus que préjudiciables et dépassent très largement la sphère professionnelle. Jusqu’à quel stade un homme peut-il transgresser les régles avec autant d’opiniâtreté ? Quand la manipulation atteint le stade ultime de la perversion cela promet un récit hérissé d’émotions fortes et de sévères barouds.

 

Berg semble vouloir jeter l’éponge. Son passé terroriste est lourd et il est prêt à se livrer si cependant il bénéficie d’une couverture de l’état. L’affaire est dans les mains - bientôt sales - de Château, un homme très affairé. La machine à happer se met lentement en branle. Les connections se créent, les décisions se peaufinent, la cible est désignée. Mais tout cela s’avère plus tortueux qu’il n’y paraît car l’heure est aux tractations secrètes, on négocie en sous-main.  

 

Avec la patte de l’auteur, qui s’attaque à un thème inhabituel, les visages se floutent, les âmes se distordent, les lignes droites se courbent et ce qui ne devrait pas arriver se produit. Raison d’état et déraison intime. On ne sait si c’est la démence ou la clairvoyance qui guide les destins. Est-ce qu’un excès de lucidité peut conduire en enfer ? Dans le fracas c’est le silence insupportable qui s’impose. Celui de ceux qui mènent la danse, une valse de magouilles où le faux pas est interdit. La lassitude fige les corps comme un condamné devant le peloton d’exécution. Comment réagir quand les dés sont jetés mais pipés ?

 

On assiste aux grandes manœuvres de l’état. Cachet « Secret défense ». Last affair ne tranche pas le nœud gordien. Il sinue plutôt dans ses méandres, dans ces « affaires » infréquentables, ces opérations au bistouri vicieux. Pagan introduit une gravité qui flirte étonnamment avec la dérision. On pourrait en rire si ce n’était aussi sombre. Une plume acérée qui saigne. Sang noir. Cette citation de Céline ouvre le roman « …Faire confiance aux hommes, c’est déjà se faire tuer un peu. » Pagan mérite la nôtre.

 

Mention : Merci à Pierre qui m’a offert ce beau roman !

*Penny est mon assistante et amie. Elle intervient en introduction de mes chroniques.

 

« Last affair », Hugues Pagan, éditions Albin Michel, parution : 1986, 262 pages.

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