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AMOURS ILLUSOIRES - N’APPELLE PAS A LA MAISON - CARLOS ZANON

Publié le par Bob

Introduction* : « Dans cette ville invisible ils glissent irrémédiablement vers un gouffre ogresque qui se repaît des amours illusoires . »

Barcelone. Ils sont trois. Raquel, Bruno et Cristian. Trois êtres qui mènent une vie de galériens. Qui squattent, magouillent, se shootent, errent - l’un ou l’autre, l’autre ou l’une. Ils sont passés maître dans l’art cynique du chantage. Ils sont deux plus un. Max, Merche et Gero. Trois êtres que l’amour contrarie. Qui se cherchent. Cet amant, ce cocu et son épouse vont trouver. Leur destin commun sera lié à celui du premier trio.

Ce récit de Carlos Zanon se focalise sur des personnages qui subissent une désastreuse situation économique qui touche la capitale catalane - comme l’ensemble de l’économie ibérique. C’est dans ce douloureux contexte que l’auteur va s’attacher à nous faire pénétrer dans leurs intimités. Et l’on va découvrir la fragilité de ces êtres qui subissent l’impact du désordre et l’on constate un déséquilibre amoureux qui se traduit par des situations anxiogènes ou brutales. La frontière entre l’amour et le désamour est si mince. Mais c’est surtout une errance psychologique qui conduit les uns dans la marginalité et son lot de déviances et les autres - individus issus de la cohorte de la classe moyenne - vers une vaine quête. De Barcelone nous n’avons que le cadre. L’humain y déambule. L’humain est une matière que l’explorateur Zanon modèle à merveille. Et lorsqu’il tend les bras pour nous soumettre ses objets vivants c’est une sensation étrange qui s’empare de nous. Tourmentés, ils affichent leurs penchants fâcheux ou malveillants mais nous leur accordons le permis de survivre. Car l’humanité de l’auteur se reflète dans l’âme de ses personnages. Errants et/ou marginaux, ils ont succombé. Espoir enfoui, faux espoir ? La catastrophe sociale est en route. Avec un mur pour tout horizon. La cause est entendue. L’effrayante avalanche dévale en disloquant des silhouettes, jeu de quilles machiavélique. Une tête sort de la masse puis une autre. Et encore une autre. Les survivants. Fantômes qui s’égarent dans les bras étrangleurs des remèdes toxiques, dans les bras d’une âme charitable et en quête de réconfort, dans le recours aux procédés illicites. Qui berne qui ? La société les invite à la table d’un repas funèbre où ils ne sont pas sans appétit. Mais la pitance est avariée. Et la société vomit encore et toujours des désemparés.

N’appelle pas à la maison Carlos Zanon est un témoin avisé de la crise - c’est aussi le cas dans ces autres récits. En se penchant sur ce qui est caché ou que l’on ne veut pas voir il pique notre curiosité en montrant la part d’animalité de ses personnages. Par le miracle de l’inspiration - Zanon est aussi poète - ces êtres obscurs et fragiles ne resplendissent pas sous les feux d’une lumière noire mais on s’attache à leur humanité. Que l’auteur parvient à transmettre sans effets de manche. Il nous convie à un voyage noir en immersion que l’on ne peut refuser.

Mention : On applaudit Penny !

*Penny est mon assistante et amie. Elle intervient en introduction de mes chroniques.

« N’appelle pas à la maison » Carlos Zanon, éditions Le Livre de Poche, parution : 02/03/2016, (Asphalte, avril 2014), 384 pages.

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