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GROUIC GROUIC COUIC !

Publié le par Bob

GROUIC GROUIC COUIC !

Introduction : Les souvenirs cochons de Penny : « Ah, je me souviens quand on tuait le porc chez le tonton Yves ! Je n'étais pas bien grande mais ces cris m'étaient insupportables. Et à table qu'est-ce qu'on se régalait avec les œufs mimosas et le bon boudin tout frais.. ! »

Bretagne. Près de Vannes. Dans une porcherie industrielle, il y a des porcs. Dans "Ce que vit le rouge-gorge" de Laurence Biberfeld, il y a des porcs et puis d'autres bestioles plutôt mortes. Dans "Ce que vit le rouge-gorge", il y a d'autres bestioles plutôt bavardes. Il y a aussi un patron plutôt libidineux et une patronne plutôt chieuse. Et tout cela va probablement se terminer en eau de boudin. Mais il y a aussi Garance, femme mure, qui vient d'être embauchée pour faire le ménage, les courses et gérer les enfants. Et il y a aussi Sophie...

Ce sont les animaux qui vont commenter et imposer leurs discours en cette fin de récit, certains observent, d'autres subissent, souffrent. « îîîîî la nuit est tombée depuis plusieurs heures maintenant, ils ne devraient pas tarder à s'en aller, à nous laisser sortir, nous répandre, chercher, fureter, ronger, manger îîîîîîîî » On est un peu surpris au début par ces cris de bestioles qui interviennent au fil de l'histoire avec ces onomatopées Kh kh îîîîrkh parce qu'ils causent les bougres. Mais sait-on si un cochon a peur avant d'être émasculé ? On dit qu'il a peut-être le stress. En tous les cas, en mettant notre tenue de protection pour franchir la porte de cette exploitation de plusieurs centaines de bêtes, c'est déjà au niveau des odeurs que cela surprend. Ça fouette épais. Jean-Mi et Maryl s'en fichent, ils foncent, ce sont des gagneurs, ils vont exploser tous les chiffres et même bientôt agrandir. De tous les employés c'est le boulot de Sophie qui satisfait totalement le patron. Une bosseuse. Et cela ne plaît pas aux autres – et à la patronne. Parce que c'est un job de mâle, non ? On va comprendre que c'est quelques années plus tard que Garance va apparaître - l'auteure nous trimbale ainsi dans le temps sans prévenir afin d'asseoir son intrigue. Que vient-elle faire là ? Et puis la machine s'enraye avec des événements tragiques, un couple qui se délite, une exploitation en galère.

Laurence Biberfeld nous ouvre les portes d'un univers concentrationnaire avec son parcage serré, ses traitements médicamenteux, on sélectionne, on lime les dents, on castre, on coupe la queue en tire-bouchon, on nourrit à bas prix, on guette les maladies, on tente de maîtriser les normes sanitaires et la pollution, on angoisse. Eh, oh, il faut nourrir la population ! Elle en veut du cochon la population. Elle l'aime le bon jambon tout rose sous cellophane. Alors, il faut produire, encore plus et moins cher. C'est ce que font les Granbuche. Ils sont indispensables ! Mais leur chère usine à viande, ça coupe la fringale. C'est dans ce cadre paradisiaque qu'évoluent des personnages qui ont connu de sales épisodes dans leur existence et d'autres qui vont les découvrir et devoir les assumer ou pas. Comment l'amour peut-il naître et subsister dans ce cloaque avec le vrombissement de la broyeuse ?

Assurément, les animaux (et les humains) sont en danger dans « Ce que vit le rouge-gorge » et ils nous le font savoir. C'est un choix judicieux que l'auteure exploite avec bonheur pour nous planter là, les bottes dans le lisier, avec ce concentré de misère animale. Si l'on s'inquiète un peu plus des dérives de l'industrialisation des productions animales, de effets de la zootechnie en reposant son roman, Laurence Biberfeld aura gagné son pari.

Mention : Le rouge-gorge fait « tic tic » quand le pistolet tue.

« Ce que vit le rouge-gorge », Editions Au-delà du raisonnable , parution juin 2015, 323 pages.

Laurence Biberfeld est née en 1960 à Toulouse. Ayant pris son vol très tôt pour se fracasser contre le pavé le plus proche, elle exerce pendant quelques années divers sous-métiers avant de passer son baccalauréat en candidat libre, puis le concours d’instit en 1980. Elle fait ce métier dix-huit ans, puis décide d’arrêter de gagner sa vie pour écrire (et dessiner) à plein temps.

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S
Sur le même principe (les animaux qui narrent et ont la voix ) il y a l'hypnotique livre de Mouawad (" Anima " ). <br /> Pas tentée par l'élevage de porcs en Bretagne !!!! Ni par le patron libidineux.
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B
Salut ! Oui, il me semble que Laurence en parle dans une ITW. Franchement, c'est surtout l'atmosphère qui en ressort qui est intéressante ainsi que les blessures des personnages.