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MEME LA MORT N'EST PAS UN AVENIR

Publié le par Bob

MEME LA MORT N'EST PAS UN AVENIR

Introduction : Penny chantonne depuis ce matin : « Donne-moi ta main camarade, j’ai cinq doigts moi aussi... »

Argentine. Buenos Aires. Le fils de Perro, l’un des trois instigateurs de la zone libre de Puerto Apache est dans une situation très délicate. On l’appelle Le Rat. Ça lui plait au Rat qu’on l’appelle Le Rat. Il vient de se faire tabasser et ne pige pas pourquoi et qui lui cherche des poux dans la tête. Il est vrai qu’il est raide dingue de Marú, la nana du Pélican. Le Pélican c’est son boss, il fait dans le commerce… de la schnouff. Puerto Apache fait des envieux chez les promoteurs. Ça va pas être simple…

Quand un roman démarre par : « Je suis le Rat, je lui dis. Le type me croit pas. Il m’envoie une mandale, j’essaie d’esquiver mais il m’atteint en pleine face, il me défonce l’arcade. Je ne vois plus rien de l’œil gauche. Que du sang. » on comprend illico que l’auteur va assurer au niveau du rythme, pas le genre à enfiler des perles... de pluie venues de pays où il ne pleut pas. Ben oui, le Rat sera le narrateur de ce récit, faudra s’y faire et on s’y fait bien, même très bien – autant dire que je suis encore sous le choc - puisque cela insuffle une sincérité et une spontanéité qui collent au texte comme un chargé de communication suce la roue de son cher maître. Si t’es pas encore persuadé, en v’là une autre : « J’ai envie de lui dire : écoute, mec, moi je suis un rat d’égout. Je vis dans les sous-sols, je bouffe des ordures, je sors dans la rue pour chercher les emmerdes. Tu comprends mec ? Nous, les rats, c’est la rage qui nous sauve. […] La vie des bourges, avec leur pognon, leurs palaces, leurs chauffeurs, leurs bimbos et leur coke à gogo, ouais, elle est dure. Mais la vie des rats aussi. »

Et le Rat va se charger de nous conter sa vie, celle de sa mère « pas bien maligne » qui se prostituait sous les ordres de son mari, nous rapporter la création de Puerto Apache et son idéal de zone libre entre deux virées à droite à gauche car il se sent pas bien. Il se pose des questions le Rat. Que se passe-t-il ? Qui a piqué le pognon de la transaction entre le Pélican et le gros Monti ? On le soupçonnerait ? Mais sa quête va lui ouvrir les yeux car il est finaud le bougre. Et il a appris à lire. « Un jour, je vais écrire ce que je pense de tout ça. »

Juan Martini l’a fait. Avec lui. Pour lui. Pour nous. Car le pays rame, Buenos Aires galère, le peuple trime, la période est dure, la vie amère, les bidonvilles se remplissent, Puerto Apache n’en est pas un, Perro y tient et l’affirme, ce n’est pas un bidonville, les gens travaillent, communiquent, vivent, rêvent. Ils se démerdent bien, ils ont leur bar, leur hôtel – qui fait aussi bordel, faut bien faire rentrer des sous dans les caisses. Puerto Apache c’est autre chose, un lieu qu’ils ont choisi, bâti, élevé de leurs mains, en toute liberté, leur liberté. La liberté pas la soumission. Ils l’ont craché aux médias. Mais les vautours font des virées circulaires sur leurs têtes. Ils vont pas se laisser faire.

« Il y a des gens pour qui même la mort n’est pas un avenir. »

Bien sûr il y a cette intrigue qui va révéler le poids de la compromission et de la corruption, les maîtres mots d’une société vérolée. En Argentine ou ailleurs. Mais il y a cette histoire d’amour compliquée. Une drôle de tendresse, qui n’ose s’exprimer. Mais les corps sont meurtris. Les cœurs aussi. Ils arrêtent de palpiter. Pas besoin de défibrillateur, la pompe redémarre. Le cœur à l'ouvrage pour pas sombrer. La mort rode et frappe. Les personnages sont taillés dans le roc. Cúper et Totti, les potes du Rat, la Guapa, Perro et ses associés et tous les autres, beaucoup d'autres. Des existences qui laissent des traces comme ce roman.

Mention : « On peut se croire égaux. »

« Puerto Apache » Editions Asphalte ; Traduit de l'espagnol (Argentine) par Julie Alfonsi et Aurélie Bartolo ; Parution octobre 2015.


Juan Martini est un écrivain argentin, né en 1944. Pendant la dictature militaire, il s'exile en Espagne et dirige une collection de romans noirs dans une grande maison d'édition. Il vit actuellement à Buenos Aires, où il donne des ateliers d'écriture. Il est l'auteur d'une quinzaine de romans et recueils de nouvelles. Son œuvre, profondément inspirée par le genre policier et caractéristique d'une certaine littérature de l'exil, est considérée comme incontournable du panorama littéraire argentin.


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S
C'est agaçant comment tu donnes envie de découvrir un livre dont je n'avais même pas entendu parler ! Bon, un de plus sur ma liste. Magnifique chronique !
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B
Salut ! On m'a toujours dit que j'étais un agaceur né. Merci de ton passage ! Et régale-toi ! Amicalement.
L
Une histoire de Rat? non d'une petite souris, je lirai ce livre qui m'a l'air d'être le genre de boquin que j'affectionne.
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B
Je ne pense pas qu'il puisse te décevoir. La nouvelle fable : La Tite Souris et le Rat. Dans Puerto Apache fait gaffe à tes moustaches ! Ciao Bruno !