UN OBJET SI PEU CONTONDANT

Introduction : « Eh, oh, Bob, je me suis bien marré avec ce bouquin que tu as malicieusement glissé dans mon (volumineux) sac à main ! Mais c'est un peu cochon quand même, je ne parle pas de cochonnailles, hein, parce que tu ne penses qu'à manger donc tu vois ce que je veux dire... » Penny ne supporte que le magret de canard fourré au foie gras !

Paris. Les années 20. Ça pour passer, ça passe dans la maison de passe de Fredo qui, lui aussi, va passer... l'arme à gauche. Couic ! Alors Elisa , sa mère, serre les boulons pour préserver son cheptel en reluquant sa bru, la jeune et belle veuve Nadège qui lutine avec l'Angelo et qui prendrait bien le rênes du lupanar. Phil Mazelot, l'inspecteur, se charge de l'enquête, des donzelles qui ne sont pas contre le fait de..., de se taper des repas avec son pote le commissaire Moutiers, de rêvasser en cherchant la rime qui va bien. De forme phallique sera sa découverte.

La couverture, très sympa, annonce la couleur, on va pédaler en arrière de quelques décennies pour se retrouver à cette époque (bénie?) des bocsons, de la zique qui swingue et des chansonniers, des prénoms à la con comme Gédéon, des fins de repas au Cognac et de l'usage du verlan et de l'argot. Les Années folles. Phil Mazelot, le héros de ce récit – il est prévu une série – va pas mal traîner ses guêtres dans le bordel de Madame Elisa. Je soupçonne d'ailleurs l'auteur de collectionner des lanternes rouges, c'est toléré. Mazelot fut agent des Renseignements, c'est pas le mec à qui on la fait. Il est à la fois chaud bouillant du démonte-pneu et fol dingue de la ritournelle. Monsieur a de l'ambition. Monsieur écrit et lime - un fin limier ce Phil. Monsieur cumule car Monsieur aime sa femme. Il va devoir se taper un brin de promenade pour découvrir un drôle de trafic. « Encore eût-il fallu que je le susse » aurait pu déclarer la Nadège. La suite ne lui donnera pas raison.

Cette aventure de Phil Mazelot nous emporte dans une bourrasque de langue verte (et fourrée) qui aurait pu se transformer en un exercice de style lourdaud et rebutant sans la patte affûtée de Thiébaut de Saint-Amand. « Ainsi, sans savoir pourquoi, je me surprends soudainement à penser que Pie X a fait autant de bien à l'automobile que Charlemagne contre l'iconoclasme byzantin. » C'est coquin à souhait. On ne va pas cracher sur ces succulentes tirades grivoises. Du croustillant dans un lupanar, on n'en attendait pas moins. « Blue Note pour héroïne brune » entrouvre la porte d’une époque où le voyou jouait du canif, pas de la Kalach. Bercée par la musique ambiante, l'intrigue tient la route et réserve une surprise à Mazelot qui ne se privera pas de jauger le calibre de l’objet si peu contondant.

Après avoir apprivoisé le jargon pratiqué par l’auteur, on s’envoie en l’air avec un certain ravissement dans un autrefois baigné d’une farouche nostalgie. Un roman aguichant d’un auteur qui nous réserve une suite proposée par la jeune maison des Editions du 38.

« Une enquête sur le gibier de Fresnes ou de Clairveaux débute souvent au cimetière. La scène de calanche, les masturbations post-méridiennes sur la position du macchabée ou les tribulations d’émincés légistes sur zinc froid sans blanc gommé au petit matin, ça reste un vade-mecum de diplômé du premier rang. »

Mention : Il est dit que Phil Mazelot, dans cette entre-deux guerre, va jouer des coudes. « Si la France insouciante de la fin des années vingt savoure encore la victoire, il sent le camp adverse ruminer son humiliation. Un nouveau conflit lui paraît inévitable. »

« Blue Note pour héroïne brune - Phil Mazelot », Éditions du 38, Parution le 17 juillet 2015.

Thiébault de Saint-Amand est originaire du nord de la France et réside actuellement en Bourgogne. Il est l'auteur d'une série Pulp Les dessous (en dentelle) de l'Elysée, (2015, La Bourdonnaye) et de romans, dont Hospice and Love (2015, Hugo Roman). Les éditions du 38 accueillent Phil Mazelot pour une série de polars musicaux et argotiques se déroulant dans la France des années 30.